Politisons la condition animale !
Par Loïc Dombreval, Samantha Cazebonne et Claire O'Petit, président et vice-présidentes du groupe d'étude « condition animale » de l'Assemblée nationale, et 84 députés de tous bords politiques.
Selon un sondage IFOP de 2018, 7 Français sur 10 considèrent que les animaux sont mal défendus par les politiques. L’Assemblée nationale a adopté récemment le projet de loi dit «EGAlim» qui comportait un article dédié à la question du bien-être animal. Parce que les Français réclament aujourd’hui des mesures fortes en la matière, cet article 13 a suscité d'immenses attentes... et autant de déceptions de la part des citoyens et des associations de protection animale.
Pourtant, des avancées ont été votées dans cette loi. Quelques exemples : l'extension du délit de maltraitance animale et le doublement des peines (qui passeront de six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende à un an et 15 000 € d’amende), la possibilité offerte aux associations de se porter partie civile en cas de mauvais traitements sur les animaux, la nomination d'un responsable de la protection animale disposant du statut de lanceur d’alerte dans chaque abattoir, ou encore la sensibilisation au bien-être animal dans les programmes d'enseignement et les formations agricoles.
Ces premiers pas sont-ils suffisants ? Non. Mais nous saluons ces avancées qui ont de plus permis que la condition animale soit longuement débattue dans l’hémicycle, lui donnant ainsi l'importante visibilité qu'elle mérite.
D'autres amendements à cet article 13 ont été rejetés, déclenchant la colère des associations et des citoyens défenseurs des animaux, colère relayée par les médias et les réseaux sociaux. Disons-le clairement : des pratiques de maltraitance vont persister dans notre pays, telles que le broyage vivant des poussins mâles ou la castration des porcelets sans anesthésie...
Il nous reste donc beaucoup de travail et d'énergie à déployer pour continuer à porter ce combat, partagé par de très nombreux Français. Mais ces derniers doivent se souvenir qu'il faut des majorités au Parlement pour faire ou modifier la loi. Pour les obtenir, il faut prendre préalablement le temps d’argumenter et de convaincre pour sortir de la seule émotion, en associant considérations éthiques, morales, philosophiques à des données scientifiques, objectives et chiffrées.
Toute avancée de la condition animale devra, aussi, prendre en compte la complexité du sujet : dans un contexte de crise économique frappant tout particulièrement le monde paysan, rien n'avancera sans considérer aussi les intérêts et les enjeux économiques des filières agricoles.
La politique est l'art de rassembler. C'est aussi savoir renoncer à certains combats - parfois la mort dans l'âme - pour obtenir des accords, créer des majorités, et en gagner d'autres.
La condition animale n'échappera pas à cette méthode : il est impératif que les associations de protection animale, les citoyens et les députés sensibles à cette cause travaillent ensemble dans le même sens. Et, si l'on veut aller au-delà de réformes limitées ou anecdotiques, le traitement de la condition animale requiert une approche interministérielle impliquant donc l'ensemble du gouvernement.
Notre pays serait fidèle à sa réputation de « Pays des lumières», fidèle à Lamartine, Hugo,Schœlcher, Zola ou Yourcenar, qui liaient tous le progrès humain à la considération pour les animaux, s'il donnait en Europe une véritable impulsion à cette cause. En n’oubliant jamais que ce qui est en jeu est la défense non pas du seul bien-être animal, mais d'un bien-être liant
condition animale, condition humaine et protection de l’environnement.